ARCHITECTURE EXPERIMENTALE



Architectures expérimentales 1950-2000


----------Architecture-sculpture

Sculptures-habitacles d'André Bloc, dont les formes libres déploient un espace topologique

Meudon sculpture habitacle numéro 2 - A bloc


Meudon La Tour 1966



Projets organiques des Cité aérienne et Cité spirituelle, de l'église du Carmel de St-Saulve, construite à Valencienne par Székely ;

Maquette


  
Exterieur


 Interieur


ou encore, le projet de maison biologique de l'artiste
James Guitet. 

[Etude d'une demeure biologique, 1963-1965

Cette Demeure biologique est une maison sous coupole qui s’inspire du système naturel de la cellule et de son « urbanisme interne ». « L’organisation de la demeure, écrit James Guitet, la distribution de ses éléments dans leurs volumes et dans leurs fonctions correspond à la structure de la cellule vivante. La cellule n’est pas seulement l’entrepôt de l’A.D.N. mais son milieu énergétique ». La chambre, qui est le lieu le plus intime et le plus secret de la maison, est située au centre de la demeure, depuis lequel se déroulent les divers éléments vitaux de la maison. Ceux-ci protègent la chambre qui devient le lieu le moins accessible, le plus protégé, « le fond de la coquille ». La salle de bain est une partie importante de la chambre et entre dans son intimité en s’ouvrant largement sur celle-ci par une cloison coulissante. Pour cette salle d’eau, James Guitet a dessiné une baignoire en forme de coquillage qu’il appelleBain de Vénus. Michel Ragon souligne que « si l’architecture de la chambre est dominée par une "poétique de la coquille", celle de la salle d’eau par une "poétique de l’eau", la salle à manger est conçue avec une "poétique des substances" (bois, céramique, cheminée) et le bureau-bibliothèque dans une "poétique du labyrinthe" ». Dans ce projet, James Guitet joue constamment sur le rapport entre l’intériorisation de la maison et son extériorisation. La maison est une véritable cellule vivante et ses habitants en deviennent l’ADN.
Nadine Labedade] 
http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs/projets-64.html?authID=82&ensembleID=187&oeuvreID=1088
Maquette d'etude
 Salle de bain de Venus

 Chambre d'enfant

 Chambre et salle d'eau

 Salle audiovisuel

Sejour et terrasse des enfants 




Au même moment, des architectes développent des formes biomorphiques et
sculpturales, ainsi Ricardo Porro en France 

Theatre de Saint Sebastian, Espagne


ou Vittorio Giorgini en Italie.
Casa Saldarini, à Baratti, Italie(1962)

The liberty center



----------Monolithes En 1968, le tout jeune architecte en chef d'Aéroports de Paris, Paul Andreu, réalise la construction de l'aérogare de Roissy I : soulevé par des pilotis, ce " globe " de béton brut, qui renvoie à la sphère terrestre, est creusé d'un cratère central qui lui apporte la lumière. Roissy I, au rythme centripète, est une forme close et monolithique, qui se ramifie en même temps tout autour à travers sept constructions satellites. Ce double mouvement de concentration-expansion, unité et dissémination, détermine une architecture complexe, l'une des plus marquantes de l'architecture contemporaine.
Vue aérienne


Interieur

 ----------Structures spatiales Les recherches sur la morphologie des structures de David Georges Emmerich le mènent vers 1958 aux assemblages de structures autotendantes. On retrouve la notion de " grille spatiale " dans cet espace combinatoire où les éléments de tension et de compression sont diffusés en continu à travers l'articulation d'éléments modulaires identiques. Les structures d'Emmerich rendent compte d'un univers cristallographique invisible, qui se réfère notamment aux dômes géodésiques de Buckminster Fuller, 

Buckminster Fuller: pavillon américain de l'exposition universelle de Montréal.





à l'étude des radiolaires de Robert Le Ricolais dans les années 1930.





À la masse de l'architecture, Emmerich substitue la structure. Les structures autotendantes d'Emmerich permettent d'engendrer des habitacles ellipsoïdes, sphériques, nervurés, autostables et déplaçables. Outre de nombreuses structures autotendantes et de dessins, dans la cour des Subsistances militaires, sera exposée, une structure de plusieurs mètres
d'envergure, " structure-structure " avait dit Emmerich, comme il y a de la " peinture-peinture". 

[Structures autotendantes

En 1958, Emmerich conçoit à partir d'un jeu de mikado le principe des Structures Autotendantes, où l'équilibre entre traction et compression aboutit à une construction stable et indéformable. Cet assemblage de chaînettes et bâtonnets, qui constituent les barres et tirants, définit une configuration polyédrique où les éléments sont solidarisés les uns aux autres. Les Structures Autotendantes sont des systèmes modulaires ; elles participent d'un « jeu d'entassement ou de dispersion libre, un jeu de mouvement et de croissance, dont la richesse morphologique, inhérente aux structures naturelles, est pratiquement inépuisable » (Emmerich). Sans fondation et temporaire, l’autotendant peut constituer la charpente d’un habitat ou la structure primaire d’un ensemble d’habitacles modulaires. Les techniques d'assemblage préconisées par Emmerich, la standardisation et la répétition des éléments doivent aussi permettre le « développement de l'autoconstruction en tant que loisir constructif et personnalisé », et rendre à chacun le droit de construire dans un système bon marché et démocratique.] 
http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs/projets-64.html?authID=66&ensembleID=622&oeuvreID=883





----------Villes spatiales Le concept de mobilité est aussi mis en œuvre, en France, par Yona Friedman. À partir de recherches sur les structures spatiales, il développe un système proliférant qui procède par interpénétration de strates ou de " nappes ". En 1956, Friedman expose, pour la première fois, ses théories au CIAM de Dubrovnik (Xème Congrès International d'Architecture Moderne) et fonde en 1958 le GEAM (Groupe d'Étude d'Architecture Mobile) qui propose une mobilité potentielle de l'habitat. Ses Villes spatiales sont des villes suspendues sur pilotis, qui se répartissent sur plusieurs niveaux à partir d'une structure tridimensionnelle. L'habitant déplace librement son habitat à partir de la trame de cette grille. Les propositions de Friedman seront très influentes sur le développement de l'architecture métaboliste au Japon des années 1960/70 (Kurokawa). 






En Allemagne, Schulze-Fielitz expérimente à la même époque des villes spatiales tridimensionnelles, 




ainsi que Martin Pinchis en France. 



Giorgini poursuivra également ces recherches aux États-Unis.


blog parlant de ville spatiale: 
http://transit-city.blogspot.fr/2009/10/quand-les-hollandais-revent-de-nuages.html



La postérité des Villes spatiales s'étend aux projets récents d'architectes ainsi ceux de MVRDV aux Pays-Bas.
Le futur siège de la banque DnB NOR à Oslo par MVRDV



----------L'architecture-cellule 

 -Haüsermann 






- Chanéac 


Cellules juxtaposables et empilables.



-Antti Lovag



Maison bulles de Pierre Cardin, 1975



L'exploration de la mobilité en architecture dans les années 60 conduit à la définition d'un nouvel espace, fait de modularité, de prolifération et d'agglomération de cellules. Matières plastiques, coque monobloc, vont permettre à la notion d'assemblage de cellules autonomes et connectées
entre elles de se déployer. Dès les années 1950, en France, les recherches sur les matériaux plastiques débouchent sur la conception d'unités d'habitations autonomes. En 1956, un jeune architecte à peine arrivé de Roumanie, Ionel Schein, expose à Paris le premier prototype d'une maison en plastique, détaché du sol comme pour mieux démontrer sa légèreté, qui connaîtra un succès phénoménal et une postérité considérable. La même année, il réalise avec ses Cabines hôtelières les premiers modules autonomes d'habitat, qui
peuvent être transportés et installés n'importe où. 





Ce sont ensuite Pascal Haüsermann et Chanéac qui, en France et en Suisse, à partir de recherches sur les matériaux plastiques, développeront vers le début des années 1960 une architecture tout à la fois organique et modulaire constituée d'agglomération de cellules. Des prototypes de cellules de Chanéac et d'Haüsermann seront exposés dans la cour des Subsistances militaires. Le phénomène d'autoconstruction, que revendiquera Antti Lovag avec l'habitalogie, devient également la préoccupation de nombreux architectes des années 1960-70. Ce principe d'évolutivité de l'habitat, de sa mobilité, de son extrême économie de moyens, développé à travers des formes organiques, laisse à l'habitant une liberté d'adaptation dans l'extension ou la combinatoire des cellules entre elles.




----------Archigram 

Cette architecture sans fondation est explorée par Arthur Quarmby et Archigram en Angleterre, qui développent des cellules proliférantes qui se " pluggent ", se branchent les unes aux autres, comme des circuits de distribution de flux. 



Arthur Quarmby - House of Garden






Peter Cook - Archigram





Le FRAC Centre possède, dans ses collections, deux projets-phare d'Archigram, Instant City (1969) de Peter Cook et le Living Pod (1966) de David Greene. 



Living Pod (1966) de David Greene, est tout à la fois un habitat mobile, une enveloppe vestimentaire, une capsule aéronautique, équipée d'un " kit " intégral. 


L'efflorescence du pop art, qui s'approprie la culture populaire, la nouvelle société médiatique, l'univers électronique, la découverte de l'espace, se répercutent dans les projets d'Archigram. L'habitat devient lui-même un objet,
jetable, consommable, éphémère, déclare ainsi Guy Rottier en France, dans les années 1950, qui imagine alors des villages en carton à brûler après usage. 



Maquette de Guy Rottiet




Instant City de Peter Cook est une ville nomade,qui se déplace, élément par élément, héliportée par des dirigeables ou des montgolfières.Tout se passe comme si l'intensité des flux d'informations de la nouvelle société de consommation s'infiltrait dans la ville. Instant City, la " ville instantanée ", se pose sur une ville existante, où elle crée un événement qui sera " architecture". 
Instant City de Peter Cook


Pour Archigram, l'architecture doit créer une " situation ". Ville-réseau ou premier village global, Instant City n'est plus assujettie à une logique de localisation ; elle est itinérante, et suit les flux de l'événement et de la circulation de l'information. Déjà, en 1928, Buckminster Fuller avait imaginé une ville aérienne. Cette architecture-événement, qui se donne dans l'instant, pose la question : l'architecture comme objet construit est-elle encore légitime ? 


Vers 1968, un groupe new-yorkais, ONYX, crée ainsi la "mail architecture", architecture n'existant que par la voie du courrier.




----------Architecture gonflable 

Cette ville-dirigeable témoigne de l'importance de l'architecture pneumatique à la cette époque. En mars 1968, a lieu une exposition historique sur les structures gonflables au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Cette architecture de l'air se revendiquait, chez Archigram, comme une " non-architecture ". 

La mobilité prend des connotations plus sociales et politiques chez le groupe Utopie (Stinco, Jungmann et Aubert) qui, en 1968, élabore plusieurs projets d'architecture pneumatique. 



Antoine Stinco


Jungmann


H.W. Müller développe lui aussi des projets d'architecture gonflable à partir de structures tridimensionnelles,


Mairie de Bordeaux


Tout comme Arthur Quarmby (voir plus haut les illustrations) en Angleterre. 





Entre mobilité et habitat domestique, Lotiron/Perriand réalisent un projet de Caravane-Fleur (1967). 

[Jean-Louis Lotiron & Pernette Perriand-Barsac
  • Architectes

Jean-Louis Lotiron et Pernette Perriand-Barsac se rencontrent à la fin des années 1960, alors que l’architecture est bouleversée par de nouveaux concepts, tels que l’éphémère ou la mobilité. Le « caravaning » qui se développe massivement à cette époque et l’industrialisation des constructions (matériaux nouveaux : planchers d’avion en nids d’abeille, matériaux de synthèse, tissus de nylon, carton renforcé…) permettent l’émergence de formes nouvelles qui influenceront fortement leurs travaux. Les systèmes de papier plié japonais sont aussi à l’origine de nombreuses maquettes qui semblent définitivement en finir avec le système ancien « poteaux-poutres ». Ainsi leurs travaux proposent une vision de l’architecture légère, nomade et alternative, qui s'oppose à l’urbanisme de l’après-guerre.
Jean-Louis Lotiron et Pernette Perriand Barsac se rencontrent au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), où ils suivent notamment les cours de Jean Prouvé. Jean-Louis Lotiron (1940) est aussi étudiant à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en section architecture d’où il sort diplômé en 1969. Il y suit les cours de l’Atelier Albert et se rend au Japon grâce aux échanges de cet atelier avec celui de Masuda en 1964-65. Pernette Perriand-Barsac (1944), fille de Charlotte Perriand, photographe et biographe de cette dernière, a suivi une formation aux Arts décoratifs et dans l’atelier de sa mère, avant de rejoindre le CNAM. Jean-Louis Lotiron et Pernette Perriand Barsac poursuivent aujourd’hui, chacun de leur côté, une activité d’architecture et de scénographie.]







----------Architecture radicale en Autriche : 

Les projets des Autrichiens, Haus-Rucker-Co et Coop Himmelblau développent des architectures qui se " pluggent " elles aussi sur des bâtiments existants etse donnent comme des environnements psycho-sensoriels. Ici aussi, le matériau est l'air.
Pour Coop Himmelblau, les nuages sont les symboles d'états rapidement changeants. Ils se forment et se transforment par le jeu complexe de situations différentes. L'architecture entant que développement urbain peut être comparée à des masses nuageuses. Dans cette période d'activisme viennois, Coop Himmelblau élabore un projet d'habitat-capsule,assemblage de cellules gonflables, emblématique de l'architecture radicale, Villa Rosa. De
même, Pneumacosm de Haus-Rucker-Co est une unité d'habitation gonflable, accrochée àune structure urbaine verticale, qui fonctionne comme une ampoule électrique. Dans ces projets, l'architecture se donne comme une enveloppe tout à la fois pour le corps et pour la ville, qui permet leur " respiration ", leur pulsation commune. La métaphore récurrente du " casque ", extension prothétique du corps, se retrouve dans les dessins de Walter Pichler de cette époque. En 1963, l'artiste Walter Pichler et l'architecte Hans Hollein réalisent à la galerie Nachst St Stefan à Vienne une exposition historique, " Architektur ". Pichler y présente son ultime travail d'architecture, à savoir un projet de Ville compacte, présenté pour la première fois, depuis cette date, dans l'exposition des Subsistances.




- Coop Himmelblau, Parlement d'Albanie






- Haus-Rucker-Co




[Haus-Rucker-Co

  • Architectes

Groupe radical emblématique de la scène viennoise des années 1960 et 1970, Haus-Rucker-Co se concentre dès ses débuts sur l’expérience du corps, développant des espaces cognitifs et sensibles qu’ils pratiquent lors de performances dans l’espace urbain. Ces événements doivent stimuler et libérer la conscience, permettant à l’esprit de s’ouvrir à une autre dimension. Après Pneumocosm en 1967, Laurids Ortner et son équipe créent le Mind Expander I (« Extenseur d’esprit »), véritable « instrument pour percevoir le monde interne ». En 1969, le groupe imagine un environnement totalement artificiel, doté d’un équipement électronique, un « Divan d’amour » gonflable, muni d’un casque et destiné à deux personnes, qui permet d’atteindre un état d’extase psychique au moyen de stimuli électro-tactiles. À Vienne en 1970, au Musée du XXsiècle, ils présentent leur Riesenbillard(« billard géant »), un énorme environnement pneumatique pour 100 personnes, qu’ils installeront plus tard au milieu d’une rue de New York. Leur critique de la notion de progrès, de l’industrialisation et de ses conséquences sur l’environnement devient plus virulente au début des années 1970. Ils imaginent alors des projets d’exposition commeCover : Shell around Haus Lange Museum (1971). Une structure gonflable enveloppe la maison de Mies van der Rohe à Krefeld afin de la préserver de la pollution ambiante. Oase nr.7, une cellule gonflable accrochée à la façade du bâtiment de la documenta V en 1972, reste une image iconique de ce rapport critique et spectaculaire à la ville, toujours à la recherche de nouveaux modes d’habiter.
En 1967, Haus-Rucker-Co est fondé à Vienne par de jeunes architectes et artistes, Laurids Ortner (1941), Günter Zamp Kelp (1941) et Klaus Pinter (1940). En 1970-71, rejoint par Manfred Ortner (1943), Haus-Rucker-Co ouvre des ateliers à Düsseldorf et New York, qui deviendront indépendants l’année suivante (Haus-Rucker-Co et Haus-Rucker Inc.). Après la séparation de Haus-Rucker-Inc en 1977, Klaus Pinter débute une activité d’artiste et Caroll Michels une activité d’écrivain. En 1987, des agences indépendantes sont créées par Laurids Ortner, Manfred Ortner à Vienne et Günter Zamp Kelp à Düsseldorf. La dissolution de Haus-Rucker-Co est prononcée officiellement en 1992 à Düsseldorf.] 

http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs-58.html?authID=86



- Huth et Domenig, Überbauung Ragnitz, 1965-69







Walter Pichler, Memory








----------Mégastructures 
En 1965, Huth et Domenig proposent un projet pour la ville de Ragnitz en Autriche, qui remporte en 1969 le Grand Prix d'Urbanisme et d'Architecture de Cannes, s'affirmant comme le projet le plus emblématique de " mégastructure ". La ville mégastructure se définit par sa capacité infinie d'extension, sa modularité, sa liberté de planification à travers son ossature ouverte. L'espace urbain s'y donne comme un réseau d'agglomérations, de libre implantation des cellules d'habitat. L'architecture équivaut à une infrastructure, préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer les " clusters ", cellules spatiales en matière synthétique, pour les circulations et les habitations. À l'ossature primaire urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques de logement.





----------La Fonction oblique : 

Architecture-Principe (Claude Parent - Paul Virilio) La mobilité est aussi celle des habitants. Dans les projets d'Architecture-Principe, entre 1963 et 1968, le sol se soulève, et le plan oblique génère une architecture du déplacement. Le principe majeur de la fonction oblique est celui de la " circulation habitable ", rendue possible à travers les plans inclinés, le sol artificiel et les systèmes de rampes. Parent et Virilio parlent alors de " dérivation " dans les villes obliques. La fracture du plan détermine la fonction oblique. Dès 1966, année de la construction de l'église Ste Bernadette du Banlay à Nevers, - monolithe fracturé en béton brut -, l'architecture se transforme en " plaques topotoniques "mouvantes dont l'inclinaison incorpore le déplacement physique de l'habitant. 




église Ste Bernadette du Banlay à Nevers



Cette dimension gravitationnelle de l'espace a, encore aujourd'hui, des répercussions dans le développement récent des architectures cognitives, espaces artificiels animés qui interagissent avec l'habitant ou leur environnement (Nox, Oosterhuis, etc). Avant sa rencontre avec Paul Virilio, Claude Parent avait déjà exploré la fracture du plan, l'instabilité à travers le basculement de cubes ainsi qu'à travers ses premiers dessins de Turbosites et de Villes-cônes. Paul Virilio avait, quant à lui, déjà mené des recherches sur les bunkers de l'Atlantique. Tous deux fondèrent ainsi le groupe et la revue " Architecture-Principe " qui développa la fonction oblique à partir de la " topologie des surfaces orientées ". La plupart des dessins et maquettes des projets expérimentaux d'Architecture-Principe seront exposés.



le muscle - Oosterhuis





----------Grilles et trames urbaines 

Des villes tridimensionnelles de Pinchis aux " villescratères " de Chanéac, se dessine une organisation de l'espace à la quête d'un idéal égalitaire, qui se retrouvera dans les compositions géométriques complexes de l'espace chez Jean Renaudie (ville nouvelle du Vaudreuil, 1967-68)



Jean Renaudie - ville nouvelle du Vaudreuil


ou chez Renée Gailhoustet.


Renée Gailhoustet - Kiosque à ivry 



La recherche d'un nouveau langage, à même de créer de la cohésion dans la diversité, à travers notamment la prolifération de trames, habitera aussi certains projets d'Andrault Parat (Lycée d'Orléans-La Source, 1968).





----------Rem Koolhaas, 

" New York Délire "  la grille comme inconscient urbain Le FRAC Centre possède, entre autres, deux dessins majeurs de " NYD " : Flagrant Délit et la Ville du Globe captif, véritables icônes de l'histoire de l'architecture.
Ces dessins sont des incursions narratives et fantasmatiques dans la " congestion urbaine " de Manhattan, dans le subconscient machinique de la Ville. La grille est, pour Rem Koolhaas, cet inconscient qui structure la ville. Cette prégnance de la grille se répercutera dans des projets ultérieurs de
Koolhaas, tel que celui pour La Défense, en 1991, également exposé.


Projet Dubai de Rem Koolhaas




----------L'architecture dans son contexte :

Le FRAC Centre a, dans ses collections, un projet construit parmi les plus publiés au monde : Indeterminate Facade de James Wines/SITE, réalisé à Houston en 1975. Ce bâtiment commercial, à la façade de briques qui paraît s'effondrer dans l'espace urbain, suspendu entre construction et démolition, pose la question du contexte, et introduit, pour la première fois dans l'architecture, de manière aussi radicale, la notion d'indétermination. James Wines parlera de ce bâtiment comme d'un " ready-made assisté ". Pour Wines, c'est le contexte qui fait l'architecture.




 Indeterminate Facade de James Wines/SITE - Houston - 1975


De même, pour Gianni Pettena, qui réalise alors des projets utopiques intitulés Grass Architecture en 1971, l'architecture naît des soulèvements du sol, de la matérialisation de son propre contexte. Dans des voies différentes, Wines et Pettena tenteront de re-naturaliser l'architecture, bien avant la vogue d'une architecture écologique.




Gianni Pettena,  Grass Architecture - 1971


----------Architectures biomorphiques :

Ricardo Porro et Michele Saee Deux démarches, de deux générations différentes d'architectes, sont ici confrontées : celle de l'architecture antropomorphique aux racines symboliques de Ricardo Porro, à travers, entre autres, les écoles d'art et de danse de La Havane à Cuba, au début des années 60, aujourd'hui inscrites au Patrimoine mondial par l'Unesco, et les explorations corporelles de l'architecte californien Michele Saee qui, depuis les années 90, décompose le corps en mues, fragments, enveloppes successives qui se détachent telles les pièces d'un vêtement sur un corps composite et mouvant. Cette métaphore du corps organique se retrouve aussi chez Hitsuko Hasagawa (Yamanashi Museum of Fruit).



Ricardo Porro Lycée polyvalent d'Argeles sur mer


Michele Saee



Hitsuko Hasegawa (Yamanashi Museum of Fruit)




----------L'image éclectique Deux projets emblématiques d'une architecture référentielle et post-moderne seront exposés : le célèbre Humana Building (1982-86), construit à Louisville, dans le Kentucky, par Michel Graves, assemblage éclectique de références architecturales,



et le Teatro del Mondo (1979-81) d'Aldo Rossi, qui flotta sur la lagune de Venise, au classicisme post-moderne, théâtre renaissant de mémoire, qui puise ses analogies également dans l'architecture des phares ou encore dans les architectures de fête éphémères au 18e siècle.



----------Autour de la " déconstruction " 
En 1988, l'exposition " Deconstructivist Architecture " réunit au MoMA (Musée d'Art Moderne) à New York, autour du philosophe français Jacques Derrida, des architectes américains et européens, parmi lesquels Frank O. Gehry, Rem Koolhaas, Eric Owen Moss, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et Daniel Libeskind, chacun mettant en exergue l'activité théorique et la dimension conceptuelle du projet. Ainsi, pour Peter Eisenman, il est plus urgent de penser l'architecture que de la réaliser. Depuis les années 1960, celui-ci expérimente à travers la maison son activité théorique. 



À ce titre, la Guardiola House (1986/88) ressort d'une architecture "textuelle", qui emprunte à la linguistique comme à la psychanalyse. À partir du décalage de deux cubes qui s'emboîtent l'un dans l'autre, l'architecture est devenue processuelle et morphogénétique. En 1982, le projet de l'Open House de Coop Himmelblau, détache l'architecture de tout programme puisqu'il est généré par l'inconscient : un dessin les yeux fermés, telle une écriture automatique, sera le " psychogramme " du projet, sa matière brute, d'où émaneront les autres étapes du projet, formalisées par plusieurs maquettes. Ce projet, qui sera reproduit dans d'innombrables publications, deviendra emblématique de la déconstruction. En 1983, Bernard Tschumi met en pratique son approche de la déconstruction à travers le projet du Parc de la Villette, construit à Paris. Le parc se donne dans la discontinuité, éclaté sur une grille qui distribue " points ", " lignes " et " surfaces ". Le Parc de la Villette est ainsi le premier parc urbain qui réunit une pluralité de programmes formels et fonctionnels. Proche des écrits de Derrida, Tschumi met ici en œuvre la dissémination, la contamination, la disjonction, qui font imploser toute unité préalable. Il recourt à la technique cinématographique du montage pour déployer un scénario urbain hétérogène, qui vise à la collision des fragments entre eux, programmatiques ou spatiaux.
L'architecture est devenue événement. Le projet pour Berlin, Berlin City Edge (1987) de Daniel Libeskind, architecte du Musée Juif à Berlin et du nouveau World Trade Center à New York, est l'un des plus importants projets expérimentaux de cet architecte, tout à la fois artiste, musicien, mathématicien. Berlin City Edge est une vaste exégèse de la ville. Multipliant les références, ce projet se donne comme un palimpseste urbain qui se déchiffre dans ses sédimentations complexes, empruntant autant au Talmud qu'à l'histoire de l'architecture ou à la littérature. Le " texte architectural ", tel que le nomme Libeskind, englobe tous les textes, toutes les cultures dans leur diversité et leur universalité. La collection du FRAC Centre intègre aussi des projets importants de la déconstruction californienne, principalement de maisons inviduelles (Michele Saee, Morphosis, Eric Owen Moss).




----------Architectures en mouvement Dépassant la déconstruction, et développant une architecture tout à la fois disruptive et interconnectée, puisant dans le dynamisme et la tension des éléments, surgissent à cette époque des projets remarqués de Dagmar Richter, Odile Decq et Benoît Cornette, ou encore, Enric Miralles.

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